COMBATTANT.E.S

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Par NASSIRA EL MOADDEM
7 avr. · 12 mn à lire
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Combattant.e.s #4 : Le combat de Jemaa Saad pour Yucel Mutlu, colère, dignité, amour fou et deuil impossible

Bonjour à toutes et tous,

Je suis très heureuse de vous retrouver pour cette lettre #4 de Combattant.e.s ! Honorée aussi de vous savoir aussi nombreux, 720 aujourd’hui ❤️! C’est beau ! Merci de votre confiance 🙏🏾 Aux abonnés de la formule gratuite, j’espère que ce début de lettre vous donnera envie de souscrire et découvrir la newsletter en intégralité. J’aimerais tant que tous ces Combattant.e.s que je prends plaisir à mettre à l’honneur tous les quinze jours soient connus de davantage de monde. Pour ce nouveau portrait, il sera question de travail, de dignité, de combat pour la justice, d’amour fou et de deuil impossible. Le chiffre vous éclairera un peu plus sur la thématique principale. Enfin, je vous inviterai à découvrir un roman graphique dont j’ai tant attendu la sortie et qui ne m’a pas déçue.

J’ai rencontré Jemaa Saad un lundi matin de mars. Nous nous sommes donnés rendez-vous sur le parvis de la gare Saint-Lazare à Paris. Ce lieu, Jemaa le connaît trop bien. C’est là que son train s’est arrêté pendant des années lorsqu’elle faisait les allers retours entre Caen et la capitale pour rejoindre le tribunal où elle a travaillé auprès des mineurs étrangers non accompagnés. Aujourd’hui, Jemaa Saad est en arrêt pour invalidité. Impossible pour elle de reprendre le chemin du travail. C’est pour me parler de son conjoint qu’elle a pris un Intercités. Avant notre rencontre, elle a également déjeuné avec ses collègues. Ca lui a fait un bien fou, m’a-t-elle dit. Et puis, nous nous sommes retrouvées. Je n’avais pas encore démarré l’entretien que Jemaa Saad a éclaté en sanglots. “Je suis contente d’avoir des émotions aujourd’hui car quand Yucel est mort, mes émotions se sont coupées. Je ne ressentais rien alors que j’étais dévastée”. Yucel, son compagnon, aurait dû fêter ses 40 ans le lendemain de notre rencontre. Il est mort au travail, un vendredi après-midi ensoleillé, le 26 avril 2019 précisément, assommé par le mur de béton qu’il avait lui-même érigé. Il avait 36 ans. Jemaa et lui ont eu un fils, Ismaël. Il avait dix ans à la mort de son père. Depuis, Jemaa se bat pour Yucel, pour ses parents en Turquie, pour Ismaël, pour la mémoire d’un amour fou qui n’a jamais cessé, même avec la mort.

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